Le souffle, La relaxation…

Posted on 08/04/10 1 Comment

Le Souffle par Willy Van Lysebeth

Fonctions du respir

La régulation des pressions partielles d’oxygène et d’anhydride carbonique est  permanente en chaque cellule. La respiration est « stimulus » cellulaire ininterrompu, presque immédiat. C’est donc un moyen d’(inter)action, de « contact », privilégié.

Coeur-diaphragme-poumons interagissent étroitement (la respiration retentit sur le rythme cardiaque et la circulation sanguine).

Parfois méconnus, les liens dynamiques, réciproques, entre diaphragme et colonne vertébrale ont une extrême importance. Nombre de mouvements abdominaux mobilisent la colonne; de même, la souplesse vertébrale libère le souffle et favorise la transmission des ondes nées du ventre.

Le massage des viscères abdominaux par le diaphragme fonde toute une gestuelle viscérale (base de nombreux kriyas).

A  propos de fonctions végétatives, soulignons le statut mixte de la respiration : elle est tout à la fois autonome, réflexe, et volontaire (susceptible d’être mise sous contrôle conscient, cortical). Interface entre deux systèmes, elle ouvre une voie royale d’accès aux automatismes vitaux.

La respiration influence le  tonus, l’éveil, l’attention; ce, par ses effets physico-chimiques sur les centres nerveux et grâce au rythme qu’elle installe en nous.

Détente et méditation reposent sur le respir.

Insistons encore sur l’expressivité du souffle. Il ne se borne pas à manifester, communiquer, les émotions. Il participe à leur  formation. Chaque émotion a (… « est » ! ) sa respiration (le fascicule précédent le soulignait déjà).

Gestes  respiratoires

Principes de base

  • rôle primordial du diaphragme (à noter : ce muscle n’est décontracté qu’en pause expiratoire);
  • priorité à l’expiration;
  • détente du ventre (plexus, viscères apaisés; sangle tonique);
  • colonne vertébrale libérée, voire érotisée[1] (la « vertébralisation » de l’étrange pulsation logée dans le ventre s’appréhende en douceur par le toucher interne et   le déploiement, la transmutation du respir en souffle) ;
  • différenciation des forces au travail;
  • régulation des flux : débit (minimum et  constant), durée des phases, rythmes et rapports;
  • l’expir détend, l’inspir stimule; les apnées correspondantes accentuent ces effets (principe applicable aux postures et à leur assimilation ; cfr. : les interactions entre anna-, prâna- et mânomâya koshas) ;
  • polarité des narines : lune – soleil; (gauche/droite); dominance périodique (toutes les deux heures, soit 5 nâdikas);
  • flux et courants internes, subtils, guidés par le geste respiratoir
  • l’apnée n’est pas une rétention. Elle naît de la pause expiratoire. Il me paraît contre-indiqué de « bloquer » la respiration tant que l’intuition de cette pause n’est pas approfondie par un lâcher prise essentiel. Ce détachement sensible – celui du « spectateur engagé » – vis-à-vis du besoin de respirer ouvre l’accès à l’apnée. Khumbaka s’expérimente apaisé, en animation suspendue.

[1] L’érogénéité vertébrale mérite plus qu’une incise.

La pause expiratoire révèle les ressorts du  respir.

Elle a de multiples facettes :

-immobilité du geste respiratoire;

-fusion corps-esprit;

-satiété essentielle;

-non-dualité inspir/expir;

-élaboration de la nuance entre besoin et désir de respirer;

-sublimation du respir (respirer en apnée);

-arrêt de la pensée.

A souligner : le sanskrit désigne l’apnée kumbhaka (jarre)  par un contenant ouvert !

Les techniques respiratoires ne peuvent brider le diaphragme. L’excès de maîtrise, de compétence technique, barre l’accès au souffle. Il en va de même des postures.

L’art du souffle favorise l’émergence de formes-types (des archétypes ?). Ce sont des formes spontanées, improvisées, malgré leur définition millimétrée.

L’immobilité posturale est animée, rythmée, dansée … Shiva, figure emblématique du Yoga, n’est-il pas « Seigneur de la danse » ?

Le rapprochement phonématique Shiva-shava n’est pas vide de sens non plus. En effet, « i » traduit l’éveil (comme dans citi), « a » dénote l’inertie. Shiva est parfois représenté en « cadavre vivant » : un œil ouvert, l’autre clos.

  • rapport intime (dès l’embryogenèse !) entre peau et système nerveux. La peau respire.
  • Les touchers (massages, frictions, effleurements) et mudrâs font partie intégrante de l’énergétique du souffle, le prânayâma.
  • forme posturale, tracé de gestes (internes et externes, amples ou infimes, effectifs ou évoqués), ondes du souffle, cibles de l’attention, dessinent des schèmes, des yantras. Ces diagrammes sont l’épure de l’expérience du souffle. Ils l’explicitent, la suscitent, l’orientent.

Image abstraite, réduite à sa plus simple expression, le yantra est un « support de méditation » avec lequel entrer en résonance. Ainsi révèle-t-il l’énigme du souffle. Il s’apparente au labyrinthe, parcours mystérieux du cheminement initiatique marqué sur le sol de lieux sacrés tels la cathédrale de Chartres.

Lignes directrices d’une énergétique du souffle :

L’énergétique du souffle a pour fondements :

L’assise stable et agréable (l’âsana). L’immobilité posturale. L’aperception des flux et rythmes sous-jacents aux jeux du respir. La dissolution du psychisme dans l’expérience du souffle. Les paradoxes évolutifs : respirer en apnée, danser immobile, travailler la complémentarité des couples d’opposés : centrifuge/centripète, éveil/sommeil, etc.). Transmutations du respir.

Une attention particulière est portée aux interstices, jonctions,  inflexions, transitions et passages.

Lieu significatif -creuset de forces pulsionnelles : le ventre, associé aux yeux (voir l’énigmatique lien entre les yeux-diaphragme-éprouvé labyrinthique ; ces puissantes interactions ne sont pas réductibles au nystagmus ! !), à la colonne vertébrale, au toucher, …

Cette « pneumatique » active les puissances latentes. Veillons à les contenir, puis guider leurs pulsations, ondes et résonances.

L’apnée, Kumbhak, est dite soit sahita lorsqu’elle suit l’inspir ou l’expir; soit kevala : libre, autonome, ni inspiratoire ni expiratoire. A noter : la similitude kevala-kaivalya. Cette dernière modalité de l’être exprime la liberté essentielle que vise le yogi; l’affranchissement du devenir, de la dualité (de paires  d’opposés comme : attraction/répulsion, plaisir/douleur, vie/mort).

En kaivalya, la conscience-énergie (Cit-Shakti) retrouve sa vérité, sa « forme » essentielle (svarûpa). Patanjali décrit kaivalya en détails (cfr. II, 25; III, 51 et 56; IV, 26 et 34).

Mots-clés :

  • pulsation, rythme, suspens, apnée;
  • interstices, jonctions, paradoxes et inclusions réciproques :

-inspir/expir;

-éveil/sommeil;

-immobilité/mouvement;

-vie/mort;

-lune, soleil;

-Yamunâ, Gangâ, Sarasvatî;

  • flux, inversions, inflexions, confluence, attention;
  • jonction, jeu, jouissance, spontanéité, danse;
  • puissance, force, pulsion, énergie, souffle;
  • lucidité, conscience, lumière.

Mesures traditionnelles du souffle :

Longueur  :       angula:           largeur de doigt

Durée       :       mâtrâ :           claquement de doigts et/ou  tour de genou

pala :           clin d’œil

muhûrta = 48 minutes (il y a 30 kalâs par muhûrta; en effet : 48 min. = 2880 sec = 30 x 96).

Un journée comprend 30 muhûrtas (60 ghatika ou nâdika).

shvâsa :          le temps que met un homme profondément endormi à faire une respiration

nâdikâ :          24 minutes

La dominance des narines alterne après cinq nâdikâs (soit deux heures).

Chaque cycle se décompose en cinq phases correspondant aux éléments de plus en plus subtils :

prithivî (terre)                    : 1 ½ nâdikâ (36 minutes);

apa (eau)                            : 1 ¼ N. (30 min.);

tejas (feu, ardeur lucide)     : 1 N. (24 min.) ;

vâyu (vent)                         : ¾ N. 18 min.);

akâsha (espace, extension) : ½  N.(12 min.).

La finesse du souffle est inversement proportionnelle à la longueur du respir manifeste. Elle ouvre sur l’apnée, ses ondes, ses formes.

Souffle et posture

La posture est forme vécue, habitée.

Les qualités de stabilité, constance, détente et attention ouvrent une aire d’expérience spécifique, évolutive.

Le yoga possède, selon Patanjali, huit membres (angas). Ce ne sont ni des étapes, ni les niveaux d’une échelle de progression linéaire (bien qu’une direction, une flèche du temps soient présentées). L’ashtanga yoga offre des moyens de transformation et modes de connaissance de soi.

Les liens intimes (jonctions, -yug) tissés entre souffle et posture sont au cœur du hatha yoga ; celui que nous partageons.

Une posture de yoga vise :

-la proprioception (muscles, articulations, tendons);

-les circulations sanguine et lymphatique;

-la vie végétative :

  • stimulation mécanique des organes;
  • action-réflexe sur le système nerveux périphérique (plexus, moelle épinière, zones sensibles -telles la muqueuse du  nez ou la plante des pieds);
  • action conjointe de la respiration et de la circulation;
  • système nerveux central (à divers niveaux et selon de multiples voies et boucles d’information-stimulation);

-le psychisme (schéma corporel, intégration psychosomatique, vécu postural, manière de sentir, ressentir, concevoir et vivre le corps -le sien, celui d’autrui); la mémoire du corps;

-la conscience (attention, éveil, intuition d’être).

L’âsana procède par « imprégnation » c-à-d. : une action lente, en profondeur. Les temps de réaction des divers tissus, organes et systèmes varient fortement : de la demi-seconde à plusieurs minutes (fibre musculaire, tendon, vasomotricité, systèmes végétatifs, par exemples, ont des latences fort différentes). La tradition indienne mesure généralement la durée des postures en nombre de cycles respiratoires.

Respirer (au cours d’une séance-type)

Installation, ouverture.

Donnez sens au yoga. Inscrivez-le dans un cheminement d’ensemble. Evoquez de bonnes séances antérieures, savourez celle que vous entamez. Evitez les attitudes négatives, défensives (lutter contre le stress, l’agitation, la maladie,  etc.). Faites du yoga pour le plaisir (âsanajeya), la santé, la connaissance, le mieux-être partagé. Soyez attentif,  « spectateur engagé ».

Quelques massages manuels ou internes (par des micromouvements d’installation et autres gestes intériorisés tels les « mûdras vertébraux ») complètent agréablement l’assise, la disponibilité physique et mentale aux divers exercices conçus comme une succession de formes évolutives (cf. la métaphore du morphing).

Malaxez le ventre, réveillez les pieds, les mains; apaisez le visage. Introduisez très délicatement le contrôle respiratoire.

Expressif, le souffle est psychique. Ressentez-le dans toutes vos fibres. Chantez la mélopée du souffle. Ebauchez la vocalisation dans un geste dépouillé, la simple émission de : Ah/Ha (mantra a minima). La fluidité du souffle laryngé répond à l’élasticité du ventre.

Exhiber l’intimité du respir frôle l’indécence.

Echauffements.

Respirez profondément (minimum : inspir : 3 secondes; expir, 6). Associez la respiration à la prise de conscience de la colonne vertébrale (marquez un temps d’arrêt inspiratoire aux points sensibles ou bien : parcourez mentalement la colonne en apnée, en un ou deux cycles respiratoires virtuels).

Vous pouvez également lancer une brève rafale d’hyperpnées (50 cycles) suivie de frictions et touchers divers.

Parmi les exercices d’échauffement, notons : les roulades, bascules, étirements, extensions/flexions et l’assouplissement spécifique des principales articulations (en particulier, la nuque, les épaules, genoux, la jonction lombosacrée et la coxo-fémorale).

Les gestes rythmés facilitent l’apnée spontanée, brève (une douzaine de secondes, au plus).

Les personnes plus entraînées peuvent y ajouter des mouvements « haute fréquence », tremblés.

Chaleurs et rythmes (de la pulsation au frisson) manifestent parfois l’éveil du souffle.

La posture.

La  posture est d’abord imaginée, mimée dans le corps (non pas « visualisée » : ces images sont motrices, proprioceptives et viscérales !). Une recherche neurologique récente montre que les réactions cérébrales sont quasi les mêmes dans l’exécution réelle et imaginaire d’un mouvement. Il est prouvé, d’autre part, que la « répétition mentale » améliore nettement les performances sportives.

Un « truc » : le geste virtuel gagne en réalisme si la respiration reproduit celle du mouvement réel.

Dans l’exécution effective de la posture, la  respiration commence par s’adapter au relief  postural. Après une douzaine de cycles, l’expir abdominal est allongé (l’inspir s’amplifie par contrecoup). La respiration se coule lentement dans le moule qu’est l’âsana.

Conjuguez les sensations. Les touchers internes, les mouvements abdominaux et vertébraux se vivent aussi dans la tête. Posé en toile de fond, l’éprouvé labyrinthique donne une connotation dansée à l’ensemble de la séance.

Suivez les effets de la posture à la trace par une thermoscopie subjective. Cette fois, vous visualisez -en trois dimensions- les plages chaudes, activées. Entrez en contact avec vos organes considérés comme des êtres autonomes habitant l’organisme qu’ils constituent. Apprenez à les reconnaître. Repérez les signes pertinents. Faites-en un code, le support d’une communication.

Si le travail est sophistiqué : couplez-le avec des micromouvements, des impulsions rythmées et autres gestes internes. A ce point, la distinction entre âsana, kriyâ, mudrâ s’estompe.

En mouvement, veillez à la parfaite synchronisation geste-souffle ! Dans l’effort, prenez appui sur l’expir : le diaphragme est le tremplin de tous vos élans.

Il va de soi que des règles aussi générales appellent nuances et commentaires. Nombre d’exercices ont une respiration spécifique.

Après la posture (ou une séquence).

Notez-en les effets dans la mémoire du corps. Si votre pratique se veut tonique, enregistrez ses traces en pause inspiratoire (à faible volume, mais dynamisée par les pressions et succions idoines).

Une brève rêverie associative assimile l’âsana en mémoire vive, somatique. Cette détente est une sorte de yoga nidrâ centré sur le vécu postural et sa représentation (réaliste – par l’évocation des applications à la vie quotidienne, – ou fantaisiste, voire fantasmatique ou symbolique). La respiration module la vigilance.

\   Fin de séance.

Passez à l’énergétique du souffle, le prânayâma proprement dit (respiration alternée, soufflets, respir virtuel en apnée, etc.).

Une séance s’achève en détente ou méditation. En fait, vous y étiez dès l’origine. L’attention aux transitions, l’allure, la quiétude du geste oculaire ( yeux clos, parfois révulsés en bhrûmadhyadrishti ), le silence, l’identification de soi au fond sur lequel apparaissent les formes posturales assurent l’éveil contemplatif.

Hatha et râja yogas se fondent dans la claire lumière du souffle. Les regards yeux ouverts ou clos ne s’y distinguent plus (quelquefois la distinction veille/sommeil perd sa pertinence).

Le souffle dans les textes

André Van Lysebeth                Pranayama. La dynamique du souffle.

Paris, Flammarion, 1969.

« Le souffle tisse l’homme »

Atharva Veda, X, 2, 131.

« D’autres (yogis) offrent (en oblation) le souffle inspiré dans le souffle expiré et le souffle expiré dans le souffle inspiré par réduction des flux d’inspir et d’expir. Ils se fondent dans la maîtrise du souffle. »

Bhagavad Gitâ, IV, 29.

« Coupant tout contact avec l’extérieur, fixant le regard entre les sourcils, le sage égalise les inspirations et expirations dans les narines. »

id., V, 27.

« La pause expiratoire ou l’expérience du souffle »  (… amènent aussi la quiétude décrite aux versets précédents). »

Yoga Sûtra de Patanjali, I, 34.

« Bien établi en une pose stable et agréable, absorbé en l’illimité, relâchant tout effort, toute volonté, l’on se libère des dualités. Alors cessent les mouvements d’inspir et d’expir. Là se vit le Prânâyâma. »

id., II, 46.

« Une quatrième modalité du souffle transcende l’inspir et l’expir. La lumière consciente y cesse d’être obscurcie. Là, le psychisme accède à la contemplation. »

id., II, 51 à 53.

« Quel besoin des innombrables autres postures lorsqu’on a atteint la perfection en Siddhâsana ? Quand le prâna est attentivement contrôlé, le souffle s’arrête de soi, les fonctions psychiques se suspendent et la triple ligature s’effectue spontanément. »

Hatha Yoga Pradîpika, I, 41-42.

« Bien assis en lotus, paumes superposées, menton calé contre la poitrine, contempler ce qui réside dans le coeur. Sans arrêt, tirer l’apâna vayû vers le haut et pousser le prâna inspiré vers le bas. Ainsi, par la puissance de la Shakti, se produit un éveil supérieur. »

id. I, 48.

« Frictionner le corps avec la transpiration produite par le travail du prânayâma lui donne fermeté et légèreté. »

id. II, 13.

« On doit pratiquer sahita-kumbhaka jusqu’à ce qu’on obtienne le succès en kevala-kumbhaka, qui est la rétention du souffle avec aisance, sans expir ni inspir. »

id. II, 72.

« (…) C’est par le kumbhaka qu’a lieu l’éveil de kundalinî (…) »

id. II, 75.

« Celui qui, avec aisance et naturel, demeure éveillé comme s’il dormait, ayant suspendu inspir et expir, est assurément un être libéré. »

id. IV, 112.

« Installez d’abord l’apnée, fixez ensuite l’esprit entre les sourcils. Evacuez tous désirs; dégagez-vous de tous les objets de perception. Ressentez et méditez l’impression de défaillir. Unissez mental et âtman. »

Gheranda Samhitâ, V, 83.

« Lorsqu’il réussit à accomplir le kevalî prânâyâma, alors seulement on l’appelle un connaissseur du yoga. (…) »

id. V, 96.

« Quand il peut suspendre le souffle à volonté, certainement il a atteint la perfection en kumbhaka. Et lorsque le kevala kumbhaka est parfaitement maîtrisé par le yogin, qu’y a-t-il en ce monde qui ne soit à lui ? »

Shiva Samhitâ, III, 47.

« A la fin de l’arrêt du souffle au moyen du kumbhaka, l’esprit doit cesser d’avoir aucun support. En s’exerçant de cette manière, on parvient au Râja-yoga. »

Hatha Yoga Pradîpikâ (trad. T. Michaël), II, 77.

Fayard, 1974.

« Les deux causes

par lesquelles l’esprit fonctionne

ou ne fonctionne pas

sont d’une part l’ensemble

des souvenirs hérités

et d’autre part l’air

qu’on inhale et exhale

inconsciemment

Si l’une des deux causes disparaît

toutes deux deviennent

automatiquement inopérantes.

Il faut donc veiller

au bon fonctionnement des deux

mais surtout s’efforcer

de maîtriser la respiration. »

Yogakundalîni Upanishad, 1-2; trad. J. Varenne.

« (…)

Enfin, retenir l’air,

sans l’expirer, ni l’inspirer,

dans l’immobilité absolue :

c’est là ce que l’on nomme

la Tenue du souffle. »

Amritanâda Upanishad, 13; idem.

« Puisque le prâna participe de la vie du corps en général (jîva), de la respiration, de la pensée, des organes sensoriels, il suffit de le maîtriser pour maîtriser cet ensemble.

Les diverses pratiques à cet effet varient selon une plus ou moins grande subtilité. Mis en branle grâce à elles, les souffles ne se conforment plus à leur cours habituel suivant lequel le souffle expiré (prâna) part du coeur   -en fait il part du bulbe mais on n’en a pas conscience-   et s’achève à douze de doigt du nez tandis que le souffle inspiré (apâna) va de l’extérieur jusqu’au coeur. Qu’un yogin prenne conscience de ces deux points de repos et qu’il suspende sa respiration en maintenant les deux souffles à leur point d’origine  -le vide où ils se reposent-  alors ces souffles en s’intériorisant se chargent d’énergie et s’élancent dans la voie médiane. »

L. Silburn, La Kundalinî, Paris, Les Deux Océans, p. 58.

 » Le souffle commence par s’intérioriser à la jonction de deux états que nous qualifierons de crépusculaires car avec eux la pensée cesse. Ainsi entre veille et sommeil, ou au réveil, quand on est encore assoupi, les souffles inspiré et expiré se reposent dans le coeur et le yogin éprouve une première félicité qui, relevant du sujet connaissant, est dite personnelle (nijânanda).  (…)

C’est sans le désirer, sans rien attendre, sans rien imaginer qu’il faut prendre son repos dans le coeur à la jonction des souffles inspiré et expiré. Ce repos dure une à deux minutes et le souffle, devenu subtil, sort imperceptiblement. Puis, suspendu, il se stabilise dans le vide de toute objectivité et engendre l’ivresse. (…) Quand, à l’intérieur de la voie médiane, les souffles prâna et apâna se font équilibre en samâna, souffle égal ou fusionnel, le monde apparaît au yogin comme plongé dans un état d’égalité : toutes les forces y sont bien apaisées et harmonieuses. (…) A partir de ce moment seule règne la spontanéité. (…) Amour et dévotion accrus offrent la possibilité de franchir cette étape où effort, concentration de la pensée, récitation de mantra se révèlent totalement inutiles. (…)

Le souffle pénètre alors rapidement dans le centre inférieur et n’est plus qu’élan; c’est le souffle vertical (udâna) qui s’élève à l’intérieur de la voie médiane en dévorant toute la dualité : sujet et objet, inspiration et expiration, etc.

id., 95-97.

« L’Inde (…) préfère penser que nous recevons tous à notre naissance un souffle vital et que la respiration a pour fonction de le faire circuler dans le corps.  (…)

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le mot prâna (correspondant exactement au latin plenum) signifie d’abord « plénitude »; analysé fautivement, on a cru y reconnaître la racine verbale an (souffler) (…)

Le but du prânâyâma est donc de contrôler l’énergie mise en oeuvre dans la respiration. Ce contrôle est, en fait, un ralentissement progressif du rythme respiratoire, d’une part, grâce au prolongement de l’inspiration et de l’expiration, d’autre part (et surtout), par un accroissement au maximum de la pause. Dans la pratique, c’est sur cette dernière que portent tous les efforts du yogin. »

Jean Varenne : Aux sources du Yoga (Ed. J. Renard, Paris, 1989), pp. 113-114.

Au-delà de l’Inde :

« (un ami) … doit lire La Grande Libération par l’Ecoute, la bouche tout près de l’oreille du mort sans l’effleurer, au moment où la respiration extérieure cesse mais que le souffle intérieur de vie n’a pas encore disparu. »

Livre des morts tibétain, Albin Michel, pg.82.

« Lorsque cesse la respiration extérieure et que le souffle afflue dans le canal subtil central et que la connaissance apparaît comme étant lumière, lucidité de l’esprit en laquelle rien n’est produit. (…)

La période allant de l’instant où la respiration extérieure a cessé jusqu’à ce que le courant vital se retire … dure à peu près le temps de la consommation d’un repas. »

© Willy Van Lysebeth  Tous droits réservés

W. Van Lysebeth

Fascicule n° 1, novembre 2003

La relaxation

Expérience de lâcher prise, d’attention à la fois rêvassante et dirigée, le cheminement intuitif de la relaxation nécessite un cadre approprié.

Chacun pense au cocooning : l’ambiance calme, reposante, enveloppante. Les métaphores de base s’apparentent, consciemment ou non, au maternage et à la petite histoire racontée lors de la mise au lit. Mais, la relaxation n’est pas réductible à ce partage réparateur de bonnes-et-belles sensations. Elle est un apprentissage : l’éducation progressive de fonctions corporelles et mentales. Sous cet angle, la relaxation est plus maîtrisée.

Le cadre-type offre un bain sensoriel chaleureux et sécurisant à tous les sens (les « cinq » et d’autres : orientation, équilibre, intéroception…).

Notons en particulier l’éclairage, le silence (ou l’ambiance musicale), le confort postural, les espaces et leur forme, les couleurs  – la psychologie des couleurs mérite quelque attention – le confort thermique : une température effective adéquate (= conjonction humidité-vitesse de l’air-température). La climatisation et autres stimuli électromagnétiques peuvent troubler les personnes sensibles. Signalons aussi le mobilier.

Le rapport entre les personnes dépend de la méthode choisie. Le recours au toucher, à des techniques complémentaires (tel le massage) ou l’interprétation de la relation    (dans le cadre de la relaxation psychothérapeutique, par exemple) déterminent l’aire de travail et son aménagement : distance entre les personnes, position dans les champs visuels respectifs, etc.

© Willy Van Lysebeth  Tous droits réservés

One Trackback

  1. By Respire « Blog de Yoananda on 9 novembre 2010 at 11 h 05 min

    [...] Le souffle dans la méthode Feldenkrais très bon article synthétique sur le sujet [...]

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